Avez-vous
déjà vu des photos aériennes de Dresde ou d’Hiroshima avant et après les fatidiques
bombardements ? Cette question peut vous sembler a priori étrange, mais
c’est pourtant l’idée de problématique que je souhaiterais que vous ayez en
tête en lisant cet article.
Imaginez
que vous découvriez les photos d’après
avant celles d’avant. Que l’on vous
explique que ce que vous voyez est l’organisation normale de cette ville, parce
qu’il se trouve encore des immeubles intacts, qu’un réseau de rues est peut-être
encore visible, que l’électricité semble même alimenter quelques maisons, ou
que des personnes se tiennent debout ici et là.
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Gravenhorst, Novembre 1944 – Avant et après le bombardement |
Vous
penseriez avec justesse que c’est absurde, et que ce désordre apparent ne peut
en fait que supposer un ordre antérieur.
Or,
voilà le cœur du problème qui se pose à moi lorsque je regarde les schémas ou
les images de microscopie censés nous révéler la cellule végétale et son
organisation interne.
Je
ne retrouve pas cet ordre, cette marque du nombre apposée à la matière, quelle
que soit l’échelle choisie.
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Où est l’intrus ? |
Du
simple atome à la planète Terre elle-même, à chaque fois qu’il y a un noyau, ce
dernier est en effet au CENTRE. Pourquoi
en serait-il donc autrement pour cette unité vivante aussi essentielle qu’est
la cellule végétale ?
Votre
réponse sera que la vacuole empêche qu’une telle chose se produise. C’est d’ailleurs ce que nous avons tous appris
à l’école.
Toutefois,
il est important de noter que ce que nous avons appris repose d’abord sur une chronologie de découvertes.
Tout
le monde conviendra par exemple que la microscopie optique a précédé la
microscopie électronique, et que c’est durant la fin du 19e - début
du 20e siècle que s’établirent les principales descriptions de la
cellule végétale.
Dans ce cas, il est fondamental de se mettre d’accord sur un point capital :
nous ne saurons jamais ce qu’ont
vraiment entrevu dans leur microscope Altman, Benda, Golgi ou encore Guilliermond,
parce que tout ce que ces derniers nous ont transmis sur le sujet ne comporte
que des dessins. Or, permettez-moi
d’écrire ici que malgré tout le respect que j’ai par ailleurs pour ces
biologistes, leurs dessins ne sauraient en aucun cas constituer la preuve définitive
de ce qu’ils ont vu. Quitte à froisser de plus quelques egos, je suis même
prêt à affirmer que le biologiste-artiste-peintre est un animal rarissime, et
qu’entre la personne qui me présenterait la photo d’un yéti et celle qui m’en
donnerait un simple dessin, j’aurais vite fait de démasquer le plaisantin.
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Terrain familier: la cellule végétale, selon Guilliermond (1924). |
Face à cette avalanche
d’illustrations - parfois cocasses, comme cet inventaire d’organites
cellulaires -, il y eut toutefois un homme contemporain de ces fameux
biologistes qui, dès 1926, s’illustra par son usage systématique de la
photographie. Jules Tissot, professeur de physiologie générale au Muséum
d'Histoire Naturelle de Paris, est cet homme et ce sont ses photographies que
je vais maintenant vous présenter.
En outre, c’est le moment ou
jamais de vous rappeler la métaphore du début sur les bombardements.
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Cellules d’une radicule de fève en germination. |
Qu’observons-nous ?
Qu’il n’existe absolument aucune vacuole – nous verrons pourquoi -, et qu’à sa
place se déploie un fantastique réseau cytoplasmique maintenant le noyau au CENTRE
de la cellule végétale.
Il
m’a un jour été objecté qu’il s’agissait là de cellules nécrosées. Je n’ai
personnellement JAMAIS trouvé une seule cellule nécrosée débouchant sur une
cellule aussi parfaitement organisée, et encore moins de nécrose donnant
naissance à un noyau central. Une
cellule nécrosée est une cellule qui se disloque totalement, ce qui n’est pas
du tout le cas ici.
Mais que
sont alors devenues les vacuoles chez les cellules végétales de Tissot ? C’est
une excellente question, mais elle est malheureusement mal posée. La vraie
question est : pourquoi les vacuoles ne sont-elles pas apparues ? Parce qu’il est tout à
fait possible d’en créer artificiellement, et c’est ce que nous faisons, non sans obstination, depuis près
d’un siècle.
Voici
ce que l’on considère comme étant une cellule végétale « normale » :
Mais
ce que vous voyez ci-dessus n’est en fait qu’une cellule corrodée par le fixateur chimique – ici sans doute le tétroxyde d’osmium,
puisqu’il s’agit de microscopie électronique.
Car
il s’agit bien, en effet, d’une corrosion,
et ce que l’on nomme vacuolisation n’est tout simplement que le produit d’une décomposition et d’une réorganisation désordonnée de la
structure réticulaire telle qu’elle fût non pas dessinée, ni décrite, mais bien photographiée par Tissot.
Pour
rappel, voici le genre de résultats obtenus de manière générale par l’ajout d’acide
sur de la matière vivante et de la matière inerte :
Ces
similitudes avec le désordre vésiculaire communément admis ne vous semblent-elles pas pour le moins
troublantes ?
Imaginez
que vous vous brûliez une partie du corps, et que cette brûlure soit
suffisamment importante pour qu’apparaissent des cloques. Ces cloques sont pourvues
d’une membrane et d’un contenu organique, mais iriez-vous jusqu’à dire qu’elles attestent
de l’état normal de votre corps ? Absolument pas. Et pourtant c’est ce que
nous affirmons à propos de la cellule végétale, dont la ou les vacuoles ne sont
justement que des artefacts résultant d'une corrosion de l’organisation interne
de la cellule.
Les
produits chimiques utilisés en microscopie optique et électronique pour réaliser
ce type d’observation étant des acides puissants qui, même dilués, n’en restent
pas moins dévastateurs, c’est donc là tout le génie de Tissot d’avoir eu
recours à une fixation plus « douce » :
« Tous les
mélanges d’acide chromique et d’acide osmique (tétroxyde d’osmium), même non
additionnés d’acide acétique, détruisent le réseau cytoplasmique, même s’ils ne
contiennent qu’une proportion minime de ce dernier, comme par exemple le
mélange de Benda qui est le mélange de Flemming très faible en acide acétique. »
« L’action
nocive du formol sur le cytoplasme peut résulter en partie du fait qu’elles
[les solutions de formol] ne renferment pas les différents sels contenus dans
le réseau et le liquide cytoplasmiques. Pour parer au moins en partie à cette
cause d’altération possible, j’ai ajouté aux solutions de formol parfaitement
neutres tous les constituants du liquide Locke ou du liquide de Ringer, suivant
les cas. Ces solutions m’ont paru assez nettement donner des résultats un peu
plus favorables que les solutions de formol seul. »
« La
fixation a été opérée en général soit par une solution de formol seul à 10%,
rarement avec une moindre proportion (6 à 10%), soit avec une solution de
formol à laquelle ont été ajoutés les constituants du liquide de Ringer. »
« La
coloration a été faite sur coupes le plus souvent par l’hématoxyline ferrique,
soit seule, soit suivie d’une coloration à froid par la fuchsine de Ziehl
additionnée de 1/3, ½ ou 2/3 d’alcool à 95°, ou par la fuchsine acide, ou l’érythrosine. »
Si
vous avez lu cet article jusqu’ici, c’est que vous devez appartenir soit au
camp des Sceptiques, soit au camp des Curieux.
Si
vous êtes sceptique, voici ce qu’il vous reste à faire :
Ø
Pour me prouver scientifiquement que l’organisation
communément admise d’une cellule végétale n’est pas le résultat d’une
corrosion, imbibez un morceau de coton de la solution du fixateur choisi pour
une coupe végétale traditionnelle, et placez-le sur la partie imberbe de votre
avant-bras, et ce pendant une durée identique à celle que vous auriez
déterminée pour votre échantillon de feuille
ou de racine. Envoyez-moi alors les photos de votre avant-bras.
Ø
Expliquez-moi quel phénomène chimique est
capable de placer systématiquement le
noyau d’une cellule végétale au centre d’un système réticulaire.
Et
si vous êtes plutôt un curieux :
Ø
Reproduisez les expériences de Tissot, et
envoyez-moi les clichés que vous aurez obtenus. Je les publierai sur ce site -
avec votre nom, si vous le souhaitez.
Ø
Transmettez
cet article à des biologistes, cytologistes, histologistes ou toute
autre personne ayant accès au matériel de laboratoire nécessaire pour
reproduire ces expériences.
Et
qui que vous soyez, je souhaiterais simplement vous poser cette question : entre un système
de type réseau et un système de type ratatouille, qu’est-ce qui vous semble, en toute honnêteté et en toute logique,
être le plus efficient, le plus solide et enfin le plus en phase
avec ce que l’on peut observer dans la nature, qu'il s'agisse des noyaux centraux des atomes
et des fruits, ou des remarquables alvéoles d’abeilles ?
Pour
terminer, une photographie de l’ébauche d’une radicelle développée sur la radicule
d’une graine de haricot en germination, suivie d’une photographie de
l’extrémité d’une tige d’
Elodea Canadensis.
« Ce
procédé d’enregistrement photographique régulier de toutes les observations
permet d’obtenir des résultats beaucoup plus importants et beaucoup plus sûrs
que la méthode par annotation et petits dessins ; il supprime l’intervention
de la mémoire qui, outre l’oubli, peut engendrer l’erreur. »
« Toutes
les images des préparations microscopiques sont tellement compliquées qu’un
dessin exact, complet est irréalisable ; la photographie seule réalise l’image
rigoureusement fidèle.
L’observateur
qui dessine figure ce qu’il voit et ce qu’il croit voir, mais il ne peut pas figurer les détails qu’il n’a pas remarqués et qui
lui ont échappé. L’objectif et la plaque photographique n’oublient rien, ne
déforment rien. L’observateur qui dessine figure les objets comme il les comprend et non pas comme ils
sont et il introduit dans son dessin ses erreurs d’interprétation. »